Vendredi 22/12 Praia

Vendredi 22/12 Praia

Aussi étrange que ce soit, mon sentiment d’enfermement d’hier s’est inversé. J’ai laissé l’agitation de l’extérieur pour le calme excentré du patio de la pension.

Toujours réveillé à l’aube, mais aussi toujours prêt pour un farniente supplémentaire, je passe un petit-déjeuner (correct) et une partie de la matinée à pas lent. Me connaissant, je ne pouvais toutefois pas rester inactif et je pars à pied vers le Plateau (en français), le cœur touristique de la ville. La marche d’une grosse demi-heure me fait passer par le quartier de Prainha, le jolie quartier des ambassades et des hôtels les plus haut de gamme (toute proportion gardée) jusqu’au phare sans grand intérêt, avant de monter vers le Plateau.

On m’avait annoncé une ville dense, trépidante, presque dangereuse et j’y retrouve simplement l’agitation d’une capitale désorganisée. Des rues animées et poussiéreuses, pleines de Loja, ces boutiques locales où l’on trouve de tout. Je passe devant le marché de Sucupira, de fruits et de légumes, le centre névralgique du Plateau. Ce serait un paradis de cuisinière ! Je suis toutefois un peu déçu car on me l’avait vendu comme un grand bazar. Je reste quand même sur mes gardes ; je suis le seul blanc dans le quartier. Comme me prévenait Filomena, « quand tu es blanc, tu as un panneau ARGENT au-dessus de la tète ici ». C’est aussi pour cela que je n’ai pas fait beaucoup de photos. Filomena m’avait expliqué également que cette vision de l’argent des Cap-Verdiens vient surtout de l’ostentation qu’ont les émigrés revenant au pays à afficher leur réussite. Ce qui suscite les convoitises et accentue les inégalités.

Apres une heure de recherche et au grand damne d’une policière que mon portugais désespère, je trouve enfin un aluguer pour Ciudad Velha. La « gare routière », ou plutôt l’amoncellement de vans, se trouve au bas du Plateau, dans un quartier où l’Afrique bat son plein ! Il faut savoir que les 5 iles sous le vent (sotavento, par opposition à baltavento, à Santo Antao ou Sao Vicente) ont une forte âme africaine, et surtout Santiago. En effet, l’ile a été une plaque tournante de la traite negriere. Les habitants y sont surnommés les badius, ou vagabonds, en mémoire des esclaves en fuite dans les montagnes qui vivaient de culture et du bétail. Ce sont un peu l’équivalent des Neg Marrons dans les caraïbes.

L’aluguer mettra une heure pour faire 11km jusqu’à l’ancienne capitale Cidade Velha. Nous ne somme que 17 dans le van (plus une oie vivante). Large ! La route, bitumée récemment, longe le décor typique du Cap-Vert avec son sol aride et rouge où survivent des acacias déformés par les vents.

Cidade Velha a perdu son statu de capitale au 19eme siècle car trop vulnérable aux attaques de pirates. Désormais petit village de pécheurs, elle a le charme indéniable de l’Ile au Trésor de Stevenson : une petite baie sur une plage de galets qu’encadrent des monts arides. L’étroite vallée contraste par ses cultures luxuriantes. Au centre du village se trouve encore le Pilori, macabre héritage de la traite negriere dans l’ile. De là se lance la rue Banana, la plus ancienne rue d’Afrique subsaharienne et des tropiques, urbanisée par les européens. Elle est faite de vieilles maisons de plain pied en pierre et toit de chaume. Le charme est total. Elle mène à l’auberge Notre Dame de Rosario, datant de 1495. Elle a notamment accueilli sur la route Atlantique, Vasco de Gama et Christophe Colomb. Elle est toujours utilisée de nos jours pour les messes hebdomadaires.

Le village vaut clairement le détour, tant pour la beauté que pour l’Histoire. Je m’octroie un déjeuner au bord de l’eau d’une churaku : du poulet grillé avec des pommes de terre. La salade ne sera pas du meilleur effet sur mon estomac mais je ne le comprendrai que sur le retour… Je saute dans un aluguer qui me ramène à Praia en 15minutes et me fait éviter les sénégalais « artisans » qui essaient de m’alpaguer. Nous sommes à nouveau 18 dans le van et le gamin à coté de moi ne semble pas supporter les virages. Plus de peur que de mal !

Retour à pied à la pension, en passant notamment par le chantier pharaonique de construction d’un complexe hôtelier par un investisseur de Macao sur la rive et sur l’ile abandonnée au centre de la baie.

Apres tout ce tumulte, je suis bien content de rentrer au calme. Niveau climat, la journée aura été marquée par l’Harmattan, le vent du Sahara, chargé de sable, qui colore de jaune le ciel et la terre.

Plus grand-chose au programme, je sirote du vin de l’ile volcanique de Fogo, plutôt doux sur la langue avec un fort gout de chocolat et de café, et à la robe brune d’un Madiran. Etrange et intéressant. Le soir est calme au bord de la piscine et je me détends de cette pression constante de devoir faire attention à mes affaires et à qui vous parle.

Demain, rien de prévu. Ou plutôt si, j’ai prévu de ne rien faire. Lino, mon hôte, me laisse rester jusqu’au départ de mon vol, tard dans la nuit demain. A voir ce que je ferrai, mais de toute façon, je suis à court de budget…

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