MARDI 31/01 BUENOS AIRES

MARDI 31/01 BUENOS AIRES

Encore une mauvaise nuit. J’ai été réveillé vers 3h du mat’ par des mouvements saccadés provenant du lit d’en bas. Les chuintements étouffés confirment  mon hypothèse. La climatisation ne marche plus, il n’y a plus d’électricité dans l’auberge. En apercevant dehors, je suppose qu’ils coupent pour la nuit. Il fait une chaleur caniculaire, et en dehors, et dans la chambre qui marine désormais dans des effluves acres et pesantes. Je ne me rendormirai pas. J’attends 8h pour profiter du petit dej’ inclus où j’en prends pour 4. J’apprends que le mec du bas est français, pas seul, et que l’auberge n’a plus d’électricité. Autant partir visiter. La pluie est de la partie. Je suis irrité, irritable, démotivé mais je continue. Je me fous devant les yeux la chance que j’ai d’être là, comme la carotte pour l’âne. La rue de Mayo regroupe la plupart des bâtiments historiques et gouvernementaux. Le style est très majestueux, voire pompeux mais reste sud-américain et hispanique déjà aperçu à Santiago. La Casa Rosada, palais présidentiel sort du lot par sa couleur éponyme et sa situation centrale. La pauvreté est omniprésente jusque prés des marches du palais où des familles campent avec leurs enfants. Comme au Chili, la présence militaro-policière est étouffante, mais répond à l’omniprésence d’affiches, banderoles, tracts révolutionnaires, jusque sur la statue du fondateur de la ville au 16eme siècle, Juan de Garay. Je continue vers le Rio de la Plata que j’aperçois finalement au port après avoir longé une sorte de réservoir écologique, immense foret séparant BA du fleuve. Comme laissée à l’abandon, la nature y prolifère sans ordre. Je pousse jusqu’à la gare. Je vois qu’un train part pour Tigre, dans le delta, dans 20minutes. Pourquoi pas ! Et pour 2,7ARS A/R, on ne va pas se priver. Le train arrive… et repart sans passager. On annonce alors le train en voie 2 puis 1. Ca ressemble au bordel de l’aéroport. Le train arrive, part avec 25minutes de retard et fera le trajet en 50minutes au lieu de 40. Les quartiers résidentiels de la banlieue nord sont faits de petites maisons basses et colorées, affadies par la grisaille du jour.

A Tigre, je mange un BK à 18ARS, ca me rappelle les McValue de mes premiers voyages avec JR. La ville a l’air verte et paisible comme une petite bourgade de bord de mer. Allons-y.

Mais pourquoi les gamins sont-ils toujours obligés de gueuler comme ca ?????

Les rues transversales de la ville me font penser à Arcachon après la pluie. Quelques flaques d’eau ruissellent encore sous les arbres. Leurs racines ont depuis longtemps mis à mal les pavés grés des trottoirs. Les odeurs se mélangent, chaleur humide, quelques oiseaux ; au loin un bateau sur le rio. La balade me mène d’abord à l’ancien Parque de Frutos, aujourd’hui hébergeant quelques magasins à touristes, artisanat local et snack ; le charme opère toutefois. Je longe désormais les bras du rio. D’un coté, un paseo aménagé et joliment fleuri. De l’autre, la forêt et les ruines de baraques de pécheurs. Au centre, une eau brunâtre sépare 2mondes. Je décide de m’arrêter au niveau du Museo de Arte de Tigre (fermé). C’est un magnifique palais dont le blanc immaculé tranche dans le sombre alentour. Comme un cygne blanc dans la marée noire, le contraste est saisissant.

Sur le retour je croise 4fillettes âgées certainement de 2 à 15ans. La cadette me pose une question aux yeux suppliants. Je m’en veux ; de ne pas avoir compris, de ne pas avoir réagi. Le voyageur a laissé place au touriste, le triple P en tète (Payer, photographier, partir). Et on se paye le luxe d’y réfléchir. Que pensait-elle vraiment. A quoi cela lui aurait servi ? N’ai-je donc que ca à apporter ? Ne suis-je pas déjà juste financièrement ? Et elles ? On culpabilise, on trouve des excuses. « Et dans le doute, on s’abstiendra », comme disait la chanson. Alors sous les cartes postales trainera le billet de l’aumône à sa conscience, et le voyageur ainsi disparaitra, à l’aube du « budget misère » des vacances.

Retour à BA avec un train toujours efficace. En rentrant à pied je passe par la rue des théâtres. Un petit bout de Broadway (mini), du même style. Le français est dans la chambre. Il est bayonnais et a étudié à Jean Dupuis à Tarbes. On lui pardonnera donc ses extravagances (avec une couguar de 37ans dans les toilettes puis la chambre—je n’en demandais pas tant, voire rien…--). Il fait le tour de l’Amérique latine en 6mois sans programme. Un beau voyage ! Il fait un peu style baba avec sa guitare. Enfin la clim est réparée ; pas l’ascenseur… La terrasse est vraiment agréable mais je me fais bouffer ! Au diable la vue et à mort les mosquitos !

En discutant avec l’américain, je me rends compte que, bien qu’il ne parle pas français, il connait une phrase particulière : « Je suis la jeune fille ». Le point étrange est qu’Andrew, à Auckland, m’avait sorti la même phrase. Cela provient d’une pub pour apprendre le français, diffusé aux USA (au moins le nord-est). Si la stratégie n’a pas eu l’effet escompté, la phrase a désormais du succès.

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