Dimanche 12/03 Antarctique J8 : Passage de Drake

Rock the sea before the sea rocks you!

Ca commence à tanguer gentiment. Nous ne sommes qu’à 1 sur 10, mais déjà un tiers du bateau est dans le mal. Le docteur de bord distribue les patchs de prévention et les injections pour les plus touchés. Je suis moi-même un peu chahuté intérieurement mais c’est surtout l’effet des shots et cocktails d’hier. Nous avons fini assez tard à discuter et chanter. Comme une coïncidence, Andrew, le chateur du bateau, a étudié à Toulouse pendant un an. Je ne pensais pas mentionner Chez Tonton au milieu du passage de Drake. La vie est surprenante !

Alors que j’ai dormi une partie de la matinée, le déjeuner me remet sur pieds. Avec Vaghul et Andy, nous tentons une partie de fléchettes. C’est déjà compliqué sur un sol stable, alors quand le bateau tangue… Films, repos, discussions, on essaie de rester au calme. La mer commence à s’agiter vers 16h. Nous devrions entrer dans la tempête d’ici 2-3h. 5/10 sur l’échelle des vents. Phil essaie de nous effrayer en expliquant qu’à 3/10, la moitié du bateau aura déjà vomi quand la deuxième moitié priera pour que ca arrive. Ca marche !

Je suis confiant. Verdict dans quelques heures.

Si l’échelle utilisée par le staff est surtout pour la gestion interne, l’échelle de Beaufort est plus précise. Nous sommes aux niveaux 4-5 sur 12 au moment où j’écris, et nous devrions atteindre 8-9, soit des vents entre 62 et 88km/h et des vagues de 4 à 8metres.

Mise à jour 17h : Je reviens du pont. Nous entrons dans la tempête. C’est encore tranquille. Nous serons dans le dur de 18h à minuit, avant de nous mettre à l’abri dans le canal de Beagle. Les vents devraient atteindre 30 à 40 nœuds comme prévu. Au bar, le cocktail du jour est le Dark&Stormy (rhum gingembre et triple sec). Joli sens de l’humour. Sur ce, c’est cours de géologie !

La tempete est là, c’est impressionnant à vivre. Le bateau est balancé de tous les cotés. Les vagues submergent la proue et la plateforme inferieure. Je veux vivre ca de l’extérieur, face aux éléments. C’est encore une idée extrêmement stupide mais j’ai besoin de ce shoot d’adrénaline ! Je m’accroche et arrive facilement au pont où l’officier de garde ne semble pas surpris de me revoir. Il m’avait dit de repasser vers 19h pour vivre ca. Je décide surtout de monter sur la plateforme supérieure. C’est exceptionnel ! Les bourrasques entrainent l’eau de mer qui me frappe le visage. Je dois tourner la tète pour respirer. La mer démontée est sublime de puissance. Je ne lâche pas la barre de sécurité et dois m’accroupir pour diminuer ma prise au vent. Juste une petite minute mais quel pied !

Le staff n’apprécie que peu la performance et me réprimande légèrement. Techniquement, ca n’était pas interdit et j’avais l’approbation de l’officier. Pour éviter toutes récidives, ils décident de fermer les accès à l’extérieur. Ils devraient presque me remercier car je sais que d’autres voyageurs envisageaient de sortir aussi. Merci qui ?

Un petit film pour finir la soirée ; le bateau semble mort et fait le dos rond. Nous passons le cap Horn à 22h. D’ici peu, nous serons à l’abri dans le canal de Beagle.

Je suis étrangement bien. Soit les pilules font bien effet, soit j’ai le pied marin. Je mise plutôt sur mon pharmacien !

Tempete sur la passage de Drake