Jeudi 9/3 Antarctique J5 : Baie de Petermann / Station Vernadsky

La chance ne semble pas vouloir nous quitter après 5jours de navigation, toujours plus au Sud.

Ce matin, le bateau tout entier n’en revient toujours pas du spectacle offert hier par les baleines. Les plus expérimentés n’ont jamais vu ca. Même le capitaine, après des années en mers polaires est sorti filmer. Nous sommes sur un nuage.

Ou plutôt dans la brume matinale de la baie Petermann. Gareth et Vaghul se sont levés à 5h45 pour le lever de soleil. Les clichés sont superbes. Je n’ai pas eu le courage.

Apres la session kayak d’hier, qu’est-ce qui pourrait encore nous surprendre, nous éblouir ? La surprise, c’est une sortie dans l’océan glacial antarctique, hors des iles et des baies. Nous voici à pagayer sous un temps clément entre les icebergs de 10metres de haut sur une mer couverte de glaçons que nous écartons à la force des pagaies. Le spectacle devant nous, de blanc, de bleu et de gris où pointe uniquement le rouge de nos kayaks semble un appel au large. Nous sommes ici insignifiants. Mais surtout, nous nous amusons comme des fous. Pendant 2h, nous ferons le tour de l’ile, le parcours est plus physique que les 2 précédentes fois, à cause des courants.

Sur les icebergs, sur les berges ou dans l’eau, nous retrouvons des pingouins gentoo, des phoques (fur seal), des crab-eater seals à la face de peluche tendre. Dans une petite crique qui loge une colonie de pingouins gentoos, nous découvrons un couple de pingouins Adélie à la tète plus fine et aux yeux ronds. Un vieux léopard des mers s’est glissé au milieu des kayaks. Il joue avec nous en attendant qu’un pingouin imprudent se mette à l’eau. Ce qui ne tarde pas à arriver. L’attaque est franche et rapide mais nous sommes alors trop loin pour l’observer concrètement.

Nous finissons par une petite course à laquelle prennent part seulement 4 kayaks. Vainqueurs avec Chris, évidemment ! Nous formons un bon duo, ce qui nous laisse plus de latitude auprès de Phil et Dani pour vadrouiller ou nous attarder prendre des photos. Au retour, le sauna bien chaud est mérité.

Nous atteignons en début d’après-midi le point le plus au Sud de notre parcours : la base scientifique ukrainienne Vernadsky à 65°15S. Contrairement à Brown, Vernadsky est occupée toute l’année par 10 à 12 scientifiques. Nous avons droit à une visite de la base aux installations sommaires. 3 baraquements de bois comprenant des petits bureaux et chambres. Il y a aussi une Poste d’où j’envoie une carte postale au timbre officiel de l’Antarctique. A voir quand elle arrivera. On nous tamponne également le passeport pour valider notre passage. Purement décoratif, il a pourtant une valeur personnelle inestimable. Nous finissons la visite à trinquer avec un shot de vodka ukrainienne avec notre petit groupe (puis un second avec les colocs de cabine). Elle est bonne, réchauffe le corps et l’esprit et, à 3$, moins chère qu’en France, je bois la vodka la plus méridionale du monde !

Nous passons ensuite de l’autre coté de l’ile en zodiac vers une ancienne station britannique, une simple cabane. Le point de vue y est pourtant sublime, incluant la baie, les icebergs, la mer de glace et les montagnes en fond. Le retour en zodiac avec John, le biologiste, nous fait passer entre les icebergs sculptés par le vent et à 2 mètres de crab-eater seals. Les clichés sont parfaits sous le soleil.

Il manque toutefois une chose aux photos et aux vidéos prises depuis le départ. Oui, c’est beau, exceptionnellement beau. Mais c’est beau à 360°, au-dessus et en-dessous. Pas seulement dans un cadre. Enfin, il manque les sentiments, les émotions, cette sensation de se sentir vivant en réalisant l’hors du commun. Le vivre par soi-même, pour soi-même.

Partir, c’est donner un sens aux banalités.

Ce soir, c’est diner barbecue, documentaire et chansons au bar. Andrew, le musicien, a demandé une liste pour le challenger. Nous ne nous sommes pas privés d’ajouter du Céline, Dion, du Katy Perry et du Britney Spears ! Bon public, nous sommes là pour l’accompagner.

Ce soir, le ciel est pur, sans nuage. Le couchant s’étale d’orange sur l’océan, entre les icebergs. A l’Est, la Lune, ronde et blanche, se lève au dessus du canal Lemaire et se pose dans une courbe douce d’un sommet. Le noir se fait, la croix du Sud domine le firmament.

Encore une journée (extra)ordinaire en Antarctique.

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