Samedi 3/3 Medellin
Samedi 3/3 Medellin
Une plongée profonde et extrêmement intéressante dans une ville sulfureuse qui tente de changer de visage.
Autant poser les choses ; la ville en elle-même n’est pas particulièrement belle mais c’est son Histoire, et avec elle celle de la Colombie, qui en fait un symbole. Juan, notre guise, nous en fait un récit passionnant.
Les Paisas, les habitants de Medellin, sont des gens qui se présentent comme fiers. Ils sont les descendants de colons basques et juifs espagnols qui ont fuient les persécutions en Europe au 16em siècle. Ils restèrent plusieurs siècles sans grand contact avec le monde extérieur jusqu’à la construction de la ligne de chemin de fer il y a plus d’un siècle qui créa une brèche dans la muraille entourant la ville. Excellents négociateurs, les Paisas profitèrent de l’opportunité pour exporter leur café. La ville bénéficia grandement du boom économique pour en faire une source et ressource principale. Elle prit pleinement part à la révolution industrielle et en fit sa force. Medellin est désormais la 2eme ville du pays en faisant presque jeu égal avec la capitale Bogota. Elle a notamment le premier, et unique, métro du pays (ajout aout18 : Bogota vient de lancer un projet de métro qui serait partiellement financé par… la BEI !).
Mais une ombre plane toujours sur la ville. Quelle est la part du trafic de cocaïne dans le développement de la ville ? En chiffre, ce business représente toujours 2 à 3% du PIB du pays. Des milliards donc ! Le ton enjoué du guide change du tout au tout en expliquant le cas de Pablo Escobar. Il commence par nous préciser de ne pas prononcer ce nom en public à la légère. C’est une cicatrice profonde pour les plupart des Paisas. C’était dans les années 80-90 ! Juan, qui a été touché personnellement par les méthodes d’Escobar (amis assassinés, oncles kidnappés), en veut particulièrement à la série Narcos. Elle a édulcoré le personnage en le représentant en famille, construisant des maisons pour les pauvres, loyal et trahi… pour en faire une icone de la pop-culture. Elle met aussi en avant le travail de la DEA, la brigade anti-drogue américaine. Juan rectifie en présentant les faits de milliers d’assassinats perpétrés par le Cartel de Medellin, les attentats quotidiens, les meurtres de politiques ou de journalistes. Il complète en précisant que le bon père de famille de la série était un pédophile avéré et que les maisons pour les pauvres n’ont été qu’un geste électoral lors de sa campagne. Juan, démystifie aussi le rôle de gentils de la DEA, bien heureuse de pouvoir maitriser une parie de la politique locale grâce aux narco-dollars. On remet l’église au centre du village. Pablo Escobar est le plus grand meurtrier de l’Histoire de la Colombie, qui en garde encore des stigmates. Ici, afficher de la sympathie pour Escobar a le même effet que de sortir une croix gammée en Europe.
Alors que nous passons devant l’hideux bâtiment du gouvernement régional, Juan nous explique les forces politiques en présence avec les élections dans une semaine. Il faut d’abord comprendre qu’historiquement, il existe 4 acteurs principaux dans la vie du pays : les guérilleros d’extrême-droite, les guérilleros d’extrême gauche, les narcotrafiquants et le gouvernement. Les gouvernements conciliants de descendance coloniale ont permis aux guérilleros d’extrême droite de se ranger. En 2016, le gouvernement à signer un accord de paix avec ceux d’extrême-gauche, les FARCs. Cet accord, soumis à referendum, avait pourtant été refusé par la population. C’est désormais la question principale de l’élection : la remise en cause de ce traité. Sur les 10 candidats, 4 sont en bonne position : 2 candidats d’extrême droite/droit, dont un proche de l’ancien président « Iron fist » Uribe qui avait mené la guerre contre les narcotrafiquants, un candidat d’extrême gauche et un centriste. Si l’extrême droite gagne, l’accord sera remis en cause et les FARCs reprendront les armes. Si l’extrême gauche gagne, les guérilleros d’extrême-droite pourraient repartir en guerre. La solution centriste, la plus pacifiste et qui garderait l’accord, pourrait ne convenir à personne, du moins s’il n’est pas assassiné avant… S’ajoute à cela le problème de l’immigration provenant u Venezuela en crise, l’extrême droite souhaitant fermer la frontière à ceux qui « volent le travail des Colombien ». Les continents changent, les cons demeurent.
Juan a le mérite de présenter la situation de son pays de façon très claire.
Le reste des 4h de marche dans la ville nous fait passer par le centre et la place Botero. Puis les ruelles adjacentes où nous, touristes, sommes le centre de l’attention. Il faut comprendre que le pays s’ouvre petit à petit au tourisme après que Medellin ait été la ville la plus dangereuse du monde. Rien de bien attrayant ici. Les ruelles sont pleines de petites boutiques et de vendeurs ambulants, dont la rue du porno, la bien-nommée. La maison de la culture, un beau bâtiment en damier noir et blanc accueille à ses pieds des statues de Botero, dons l’artiste à sa ville. Emblème de l’évolution de la ville, 2 statues de l’artiste représentent 2paons : l’original a partiellement explosé lors d’un attentat. Le second, récent, juste à cote, symbolise le renouveau de Medellin.
Un tour extrêmement intéressant grâce à un guide passionné. Comme tout free walking tours, le pourboire paye la prestation. Nous laissons 90000COP (25€) à 4, une moyenne très haute pour le pays.
Cet après-midi, direction les hauteurs de Medellin pour admirer la ville dans son ensemble. Du métro Acevedo, nous prenons le cablecar Norte. Les cablecars ont pour principale mission de désenclaver les barrios, les quartiers pauvres à flanc de montagne. De là, nous prenons pour 11000COP (3€) un nouveau téléphérique qui, nous le pensons, mène au sommet de la montagne. En fait, un fois le col passé, il s’enfonce dans la forêt dense du parc Auri, d’où partent plusieurs randonnées. Atterrir là n’étant pas vraiment prévu, il est trop tard pour une rando complète. 45minutes de marche autour du centre dans la forêt et nous rentrons. Le paysage du col est toutefois sublime. Tout Medellin s’étale dans son écrin. Les flancs nord brillent au soleil alors qu’un orage éclate au sud. Pour passer d’un téléphérique à l’autre dans la descente, il nous faut faire la queue (habituelle) au guichet. Le problème est que nous sommes en plein barrio et qu’on détonne un peu ici. Pas d’hostilité, il suffit d’être ferme avec les enfants et de faire gaffe à son sac.
La journée se termine. Il nous faut faire nos sacs avec Florian. Départ demain vers la cote caraïbe. Décollage à 8h. e changerai de lieu désormais tous les jours jusqu’au départ le 9h de Bogota. En attendant, petit plateau fromage et charcuterie avec les meilleures bières locales (validées par le vigile du supermarché « ricarica »), la Club Colombia Trigo (lager). On va aussi tenter de faire cuire un tamal, une pâte de viande et riz, entourée d’une feuille de banane. A suivre…
Sur les conseils d’Andres, un des colocs colombiens, nous le préparons dans l’eau bouillante pendant 30minutes. En ouvrant la feuille de banane, le pavé étrange du tamal se découvre. Le riz aux épices ressemble à de la polenta et est garni de légumes et de viande. Pas mal tant pour un repas pré-apéro ou en accompagnement d’un menu typique.
Pour notre dernière soirée, nous partageons l’apéro avec les colocs. Du tres bon esprit, comme on dit ! Apres quelques verres, dont un très bon Rum de Medellin 3ans, ca part en débat sud-ouest vs sud-est vs Reste de la France. Pas besoin de designer un vainqueur, les 2 derniers n’avaient aucune chance !
Sur ce, réveil dans 5h. Ca va piquer !
Ajouter un commentaire