Mardi 26/03 Katmandou
Mardi 26/03 Katmandou
Je n’ai pas dormi plus de 3h cette nuit. Les bass du bar à coté jusqu’à 3h du matin, l’orage à 5h30 et le brouhaha des départs depuis ne m’ont pas laissé de répits malgré les bouchons d’oreilles. J’oscille entre l’exaspération, la résignation et la relativisation. Et dire que j’ai encore 2nuits dans le Thamel…
La journée aura finalement été plutôt remplie, pas trop endormie. Le programme avant le trek inclut une visite de la ville avec un guide. Nous sommes trois avec Chris, un américain dans la trentaine qui part vers le camp de base de l’Everest demain, et Jessica, une jeune australienne qui a pris une année sabbatique avant l’université. Elle m’accompagnera demain pour mon trek dans la vallée du Langtang.
Le guide nous conduit d’abord au Katmandou Durbar. Durbar signifie Palais. La place, assez similaire à celle de Patan abrite le palais royal et des temples hindous dédiés à Brahma, le créateur, Shiva, le destructeur et Vishnu, le protecteur. La plupart des temples a été détruite lors du tremblement de terre ce qui fait dire ici que Shiva a pris le pas sur Vishnu.
Sur leur million de divinités, les hindous vénèrent un seul dieu vivant. Et c’est une déesse : la Kumari, dont le palais se trouve sur la place. Elle a actuellement 4ans et demi. Elle régnera jusqu’à ses premières menstruations ou jusqu’au premier sang versé. Surprotégée, elle se montre pour la vénération par une petite fenêtre à l’étage d’une cours étroite. Les photos sont interdites et elle est engrainée à les fuir. Aujourd’hui, son apparition ne durera que quelques secondes à cause d’un touriste indélicat. Hormis cela, elle ne peut sortir que 13fois par an et sans toucher le sol. Elle a son propre tuteur et son médecin personnel. Elle est choisie entre les jeunes filles entre 3 et 7ans dans la vallée de Katmandou selon 32criteres et tests. L’un des tests demande aux prétendantes de retrouver les affaires de l’ancienne Kumari entre d’autres, plus banales. Seule l’élue peut y arriver car elle est sensé reconnaitre l’objet divin. D’autres critères sont plus esthétiques comme la couleur des yeux, le teint de la peau… Quelle vie à 4ans et demi !
Notre guide Razu nous donne quelques autres anecdotes sur la ville :
- Le nom vient des premiers bâtiments de la ville : Kath signifie le bois et Mandu la construction ou le bâtiment.
- Le palais est gardé par des Gorkas, des soldats d’une tribu locale loués pour leur courage. Ils ont la réputation de combattre jusqu’à la mort.
- La famille royale a été assassinée en 2001. Si le coupable officiel fut le fils & qui la reine avait refusé d’épouser son amante, d’autres versions plus complotistes circule et notamment sur le frère qui monta sur le trône par la suite. La monarchie a été abolie en 2015 et remplacée par une république suite a eu conflit sanglant avec les maoïstes.
Les népalais sont à 80% hindous. Les célébrations et rituels jalonnent la vie des croyants. Et nous allons en découvrir un important au temple de Pashupatinath : la crémation. Si nos cérémonies funéraires se font dans l’intimité, chez les hindous c’est en public. Nous accédons par la rive « autorisée », celle opposée au temple et aux autels de crémation, réservée aux seuls hindous. Une cérémonie est en cours ; nous l’observons silencieusement. Le corps est disposé sur un brancard de bambou vert. Les pieds du défunt ont été lavés à l’eau du fleuve pour le purifier de ses péchés. Le corps est ensuite drapé et recouvert de fleurs. Puis il est monté à l’autel au son d’une corne de coquillage, régulier et monotone, dans laquelle souffle l’homme le plus proche du défunt (frère, père…). Le rite funéraire est réservé aux hommes quel que soit le sexe du défunt. Chose rarissime selon notre guide, c’est une femme, plutôt jeune, à qui l’on tend le flambeau. Elle est soutenue par deux hommes qui l’aident à faire trois tours de l’autel, pour la terre, le paradis et l’enfer. Elle appose ensuite la flamme dans la bouche de son mari (très certainement) afin d’empêcher les démons de pénétrer dans le corps, avant de s’effondrer de chagrin. La crémation prendra désormais entre 2 et 6h. Les cendres seront alors données au fleuve. Pour saisir l’intensité de l’émotion, il faut comprendre que la cérémonie se fait dés la déclaration du décès. Son mari est probablement mort ce matin…
Difficile d’enchainer après ca. Précisons toutefois que les hindous croient en la réincarnation. La cérémonie n’est ainsi que le début.
Hormis l’hindouisme, la seconde religion du pays est le bouddhisme (15%). Le Népal est aussi le lieu de naissance de Bouddha à Lumbini dans le sud du pays. Nous visitons aujourd’hui deux des lieux les plus sacrés de cette religion.
Le temple de Swayambhu est perché sur une colline et domine la ville. Il est aussi surnommé le temple des singes car il héberge plusieurs de ces animaux sacrés. Des coupoles des monuments, les stupas, s’élancent d’innombrables guirlandes colorées, les drapeaux de prière. Chacune des cinq couleurs représente un élément. On en trouve un peu partout dans le pays.
Nous passons ensuite rapidement dans une école de Tanka, les dessins religieux bouddhistes aux cinq thèmes : le Mandala, le cycle de la vie, la vie de Bouddha, la méditation et l’iconographie féminine. Faits main, le prix du Tanka ne dépend pas de la taille mais du talent de l’artiste. Cela va de 30-40€ pour un étudiant et 4-5jours de travail jusqu’à 500€ pour un artiste professionnel ou encore plusieurs milliers d’euros pour les plus belles pièces dorées à l’or fin. On m’apprend aussi à différencier un fait main d’un imprimé : passé à la lumière, le premier laissera transparaitre des couleurs, le second restera plus opaque. La texture sera également lisse sur un imprimé et granuleuse, du fait des couches de peinture sur un fait main. Celui acheté hier me semble être un imprimé, ou entre les deux, mais heureusement bien loin des prix des maitres (ajout 17/04 : je l’ai fait vérifier. C’est un vrai mais peint certainement par un étudiant.)
Nous finissons la visite de la ville par la Stupa du Grand Bouddha. Trônant au centre d’une place circulaire où s’alignent les monastères et les boutiques de souvenirs, la Stupa du Grand Bouddha mesure environ 50m de haut. Il est construit selon un plan symbolique :
- Un mandala pour socle
- Le dôme symbole de l’univers
- Le signe en forme du nez pour le Nirvana, l’unité
- Les yeux pour la sagesse
- Les 13marches vers l’illumination
- Le lotus symbole de pureté et de compassion
- Le parapluie protecteur des joyaux
- Le pinacle, symbole du roi de la montagne, le mont Sumeru
Un bain de culture qui permet de mieux cerner les civilisations indo-népalaises et sino-tibétaines, les deux composantes du peuple népalais.
De retour à l’agence, nous avons un briefing des treks à venir. A Chris s’ajoutera trois autres américains, direction le camp de base de l’Everest. Jessica et moi resterons à deux vers le Langtang. J’appréhende un peu la solitude en montagne pendant cinq jours et j’aurais préféré 2-3personnes de plus. Il va sans dire que voir l’autre groupe se préparer pour l’EBC alors que j’ai dû y renoncer il y a tout juste un mois me frustre énormément… Allez, pas mal d’effort, de la culture et surtout de superbes paysages m’attendent aussi dans le Langtang.
Je retourne manger à la Katmandou Kitchen ce soir. Au menu, un Khaja. Je mets les composants comme ils étaient sur le menu :
- Chiura : riz plat et sec ressemblant à du muesli
- Bhattamas épicés
- Paneer chilly (Le paneer est fromage indien obtenu à partir de lait de bufflonne)
- Aloo ko Achav, sorte de pomme de terre
Je ne suis pas bien sûr de ce que j’ai mangé, hormis les carottes mais c’est encore une fois bon et surprenant.
Ne nous mentons pas, j’appréhende le bruit cette nuit. Heureusement, ou malheureusement, on ne part de Katmandou qu’à midi demain et en jeep. Passons vite à autre chose !
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