Samedi 12/08 Portree (ile de Skye)
Samedi 12/08 Portree (ile de Skye)
Les reflets du MacAllan 10Y tournent, éclairant les brumes de l’ile de Skye. Les murs du château respirent les effluves du whisky et de l’iode. Ou serait-ce les esprits anciens qui reviennent à la vie près des Lochs éternels ? L’Ecosse m’enivre.
La nuit fut bonne hier au Backpacker Stop de Tarbert, malgré les 4 ados de mon dortoir, dont se sont débarrassés 4 parents chanceux. Rien de bien méchant toutefois et l’auberge mérite le passage.
Réveillé à 7h, je profite du petit déjeuner avec une française qui fait le tour du Royaume-Uni et de l’Irlande durant 5-6mois en vélo. Ve le climat, je ne l’envie pas mais quel courage !
J’envisageais de faire le tour de Harris du Sud en bus mais une mauvaise lecture des jours de la semaine me font prendre le vendredi pour le samedi. Je l’ai raté de 20 minutes. Mon ferry pour l’ile de Skye n’étant que dans 3h, j’en profite pour visiter le village.
Il accueille notamment la boutique des Harris Tweed, des vêtements et accessoires en laine de moutons de l’ile, aux motifs typiquementEcossais. L’art date de plusieurs siècles et les métiers à tisser sont des œuvres de musées.
Sur l’étroite langue de terre unifiant l’ile se pose la distillerie de Harris. Si elle s’est récemment convertie au whisky, emblème national, elle produit en majeure partie du Gin, So British ! La liqueur s’arrange parfaitement de gouttes de sucre salé (production locale) faite de kelp, une algue brune, pour un cocktail Harris.
Le ferry va partir mais je passe rapidement au marché du jour où une petite fille me propose 2 préparations maison. Je prends tout d’abord une quiche au saumon sauvage, on ne peut plus local, pour le déjeuner. Pour l’en-cas, ce sera un Savoury Duck, qui ne contient pas un gramme de canard mais qui est en fait un cake moelleux et savoureux aux herbes et aux légumes. En dessert, quelques morceaux de Copper Kettle Fudge, vanille et chocolat, une pate gouttue et farineuse préparéetraditionnellement dans un plat en cuivre.
Le ferry s’éloignedésormaiset laisse se dévoiler dans toute sa longueur l’ile de Lewis & Harris, sauvage, brute. Ou tout du moins en comparaison des doux coteaux de l’ile de Skye qu’abord le bateau. Le soleil illumine désormais la cote et la superbe baie d’Uig. Quelques maisons blanches sur des jardins verts. Au fond, les monts de Skye.
Du village, je pars par la route, puis un chemin et enfin un sentier pour les Fairy Glen. Le pas est bon, les vues superbes, autant sur la baie que sur les collines. Tout d’abord petit monticules de terres tranchant avec les lisses collines, telles des maisons de Hobbits, les Fairy Glen forment ensuite un promontoire abrupte au pied duquel ont été tracé à la pierre des cercles mystiques. Les nuages projettent leurs ombres sur les montagnes, ajoutant à la beauté de l’instant.
Je redescends dans les temps pour prendre le dernier bus pour Portree, la capitale de l’ile de Skye, à 20km. Prendre le bus depuis le début du séjour est un challenge et une organisation. Très peu de passage (parfois uniquement 3 dans la journée) et avec des retours espacés.
Portree est un petit village sur la côte Nord de l’ile. J’en ferai le tour demain. J’arrive, œuvre exceptionnelle, à me prendre la seule averse de la journée durant les 15minutes qui me sépare de mon hôtel. C’était la seule chambre disponible que j’ai pu trouver sur l’ile à un prix non ruineux.
Et je plonge dans l’Histoire en poussant la double porte grinçante de la Viewfield house, sur les hauteurs de Portree. Ce sublime manoir, sur son promontoire, date du 17eme siècle. Ses pierres grises font ressortir l’Ecosse que l’intérieur victorien sublime. Un bond de 100ans, une entrée digne d’un pavillon de chasse avec ses trophées aux murs, ses tapis d’époque, ses moulures de bois. Le salon de thé, ou de dessin, se languit du crépitement du feu de cheminée qu’un été écossais ne saurait éteindre. Canapé à motif floral, bibliothèque, tableaux champêtres et piano à queue n’ont rien d’anachronique dans ce 19eme siècle qui vous enveloppe. Jusqu’à la chambre aux fresques bleutées et surannées qui prend part au décor. Le silence profond des murs sublime le thé salvateur qui réchauffe mes sens. Dehors, les midgies, moustiques aussi minuscules que voraces, se cognent aux carreaux.
La maison n’est pas un hôtel et le diner est servi à 19h30 tapante. Arrivé plus tôt dans le salon, je retrouve mes reflexes d’auberge de jeunesse et discute avec les couples d’un certain âge (et d’un âge certain) autour de moi. Et, étrangement, ils sont réceptifs. Des américains, des écossais, des allemands. Et surtout Debbie et Steve, des canadien dans leur 70ans bien tassés, qui m’invitent à partager leur diner. Lui est britannique et veut faire découvrir à sa femme canadienne de Toronto, l’Ecosse où vit sa fille. Nous discutons de tout et de rien, et surtout de voyages, parfois interrompus par le couple d’Ecossais pour nous donner des détails sur nos questions.
Le manoir est-il hanté ? Oui, certainement ! Comme tout manoir écossais !
Si les murs les plus anciens datent du 18eme siècle, l’Histoire du manoir est plus ancienne. Les terres autour de Portree appartenaient au clan MacDonald, comme la moitié de l’ile. La Viewfield house était la demeure du chambellan, descendant du clan MacLeod aux racines du 13eme siècle dans les Hébridesextérieures. Des noms éternels… La suite est plus prosaïque, faite d’alliance MacDonald/MacLeod, et de rivalité, de richesse et de fortune, jusqu’à la fin du 20eme siècle où la demeure familiale accueillera ses premiers touristes. La maison gardera toutefois l’esprit d’accueil desécossais chaleureux, englobant. Peu de chambres ici et une salutation des propriétaires en fin de soirée. L’Ecosse éternelle, encore !
Le succulent repas, une soupe de légumes, un poulet sauce fromagère aux pommes grenailles exceptionnelles, patates douces exquises et haricots verts (haricots verts donc…), et un pudding extra en dessert font que j’en questionne mon idée de la cuisine britannique ! Le vin de Bourgogne est correct et la discussion avec mes amis canadiensdélicieuse.
Je m’étais promis une soirée au whisky durant mon séjour et ce sera ce soir. Apres un Oban 14Y à l’apéritif, je déguste, sur la longueur et montant en puissance gustative, une MacAllan 10Y, un Talisker, unique distillerie de l’ile, 10ans d’âge, et je finis, au calme du coin du feu, avec un puissant Laphroag 10ans, tourbé comme je les aime. S’il m’a été donnée de boire de meilleures et plus rares cuvées, celles-là, bien que déjà connues, ont l’effet du chocolat en hiver. Ils font corps avec le décor.
La chaleur d’un fauteuil confortable face aux braises crépitantes, une bibliothèque fournie embrasse la pièce, un single malt patiemment vieilli qui dore son écrin de cristal. Un rêve ? Un objectif ? Un plaisir !
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