Vendredi 29/06 Tórshavn
Vendredi 29/06 Tórshavn
Improvise, adapt, overcome ! Une journée un peu bizarre où rien n’a vraiment tourné comme prévu.
Une excellente nuit avec le plaisir ce matin d’ouvrir ma fenêtre sur le bruit de la rivière. Apres un petit-déjeuner consistant, je pars pour l’aéroport. Mon vol est à 11h10. Le projet du jour est d’aller jusqu’à l’autre bout du pays. Et le plus court chemin, c’est par les airs. Pas en avion non, mais en hélicoptère ! Les iles Féroé ont mis en place un système de navettes en hélico entre les différentes iles. Les vols sont fortement subventionnés pour garantir ce lien. Mon trajet pour Kaksvik m’avait couté 50€. Problème, depuis ce matin, une épaisse brume couvre Vagar, mon ile de départ. Les vols sont donc annulés. Sur le moment, ca ne m’a pas trop affecté, j’avais déjà mon plan B, mais tout bien considéré, ca m’a bien chamboulé le planning et m’empêche de prendre l’hélico…
Qu’à cela ne tienne, je pars pour la capitale, Tórshavn. Le bus, pour 80DKK (11€), traverse les sublimes vallées des iles de Vagar et Streymoy. Toujours ces plaines vertes d’où s’élancent les collines. Puis retombent en milles cascades. Le parcours vaut parfois plus que la destination. Une fois à Tórshavn, je me balade dans les ruelles calmes et claires du centre historique. Un gros village de pécheur qui a son charme. C’est aussi le centre économique, politique, sportif et logistique du pays. Le port le plus grand du pays accueille les ferrys faisant la liaison entre le Danemark et l’Islande. C’est aussi le centre touristique et culinaire avec la majorité de la vingtaine d’hôtels que compte l’ile et surtout les meilleurs restaurants de cuisine féringienne. J’en repère quelques-uns qui n’ouvrent qu’à 18h. Pour midi, ce sera sandwich au jambon alors…
Cette après-midi, je pars pour Vestmanna, sur la cote Est de Streymoy. La route est toujours spectaculaire et ouvre sur différentes baies au fond desquelles se nichent de petits villages, dont Vestmanna. J’en fais un tour rapide sans grand intérêt. Le village est typique et c’était le port principal pour relier Vagar avant la construction du tunnel sous-marin. Mais je n’y trouve que peu d’intérêt pour être honnête. Je pars marcher sur les hauteurs avec une vue panoramique sur la baie. Contrairement à ce qu’indique ma carte, le chemin se termine en cul de sac ; il me faut donc redescendre. Apres 2h sur place, il est temps de rentrer à Tórshavn. Sur place j’aurai 2h pour trouver à manger avant mon dernier bus de retour à 19h20.
Sur internet, les restos que j’avais repérés n’étaient pas réservables pour ce soir. Dans les faits, il suffit de pousser la porte à 18h. C’est tôt pour diner, mais je n’ai pas le choix si je veux tester la cuisine locale. La plupart des restos typiques offrent un menu unique avec une petite carte. Ils sont très (très) chers. Il y a en plus 2/3 fast foods et divers restaurants italiens, sushis… Pour du typique, il y a le menu 3 couverts d’Aarstova, le menu poisson frais de Barbara. Pour moi, le choix est clair : le restaurant Raest, « fermenté » en féringiens. Et un menu 5couverts qui fait le tour de la gastronomie locale.
Le restaurant se trouve dans une maison historique de bois noir et au toit d’herbe. Cette architecture était faite pour garantir la chaleur à l’intérieur avec une bonne isolation. A l’intérieur, seulement 3petites salles qui en comptent pas plus de 10tables. Je demande au chef s’il accepte de me servir en 1h10 au lieu des 2h normales. Challenge accepted ! Il est 18h et je suis encore le seul client, assis à une très belle table de bois. Ils ne sont que 2 : un au service et un en cuisine. Ce sera, étrangement, le chef qui m’apportera mes plats et m’expliquera chacun d’eux. Service exceptionnel !
- Mise en bouche : morue séchée et fermentée et sa peau avec une excellente mousse à la graisse de baleine et herbes, servi avec du pain traditionnel. Le gout de la morue est original, la peau est goutue et croustillante.
- Entrée : Salade de viande de baleine (du globicéphale) fermentée avec chou et céleri et la fameuse mousse. J’ai adoré. La baleine fermentée seule est originale mais fort. Le mélange équilibre et le sauce lie.
- Poisson : morue fermentée dans du gras de chèvre, poireau et mousse de pomme de terre. La morue était caoutchouteuse. Dommage car le reste était excellent.
- Entremet : Foie d’agneau fermenté et grillé, accompagné d’un mélange chaud d’orge, de champignons fermentés et d’algues. L’accompagnement est réussi et attenue le foie, tendre et fort.
- Plat : Nuque d’agneau fermenté sur un lit de coleslaw, navet, carottes, pomme-de-terre. J’en enlève la sauce de la viande pour en apprécier le gout de la fermentation. Une tuerie ! Les navets et carottes cuits dans la graisse sont également excellents. Le chef m’apporte avec ca un shot de Livsins Vatn, littéralement « l’eau de la vie », une liqueur locale douce et agréable pour « nettoyer ».
- Dessert : de la rhubarbe fermentée, aux herbes sauvages avec une boule de crème glacée à la feuille de laurier. Frais, léger, original et délicieux.
Le menu fait le tour des spécialités : agneau, morue, rhubarbe (le seul fruit à pousser dans l’archipel) et baleine. Les iles Féroé sont l’un des rares pays a encore autorisé la chasse à la baleine et aux dauphins dans ses eaux, officiellement par tradition. Elles ont reçu plusieurs remontrances de l’Union Européennes et même une interdiction d’exportation, ce dont les féringiens ne font pas grand cas…
Le processus de fermentation quant à lui est ancré dans les gènes de l’archipel depuis des siècles. Perdu dans l’Atlantique, avec peu de ressources naturelles, il fallait savoir conserver. Le poisson est séché à l’air libre, au soleil et aux vents marins. Le repas, en tout cas, fut une réelle expérience.
Pour la douloureuse, ce sera 750DKK (env. 100€), bon pourboire inclus, vu que le chef a réussi à tout me servir avant mon bus.
Il est 23h et j’écris à la lumière du jour. La journée aura tournée différemment du programme, mais c’est ce qui fait le charme des voyages. Demain, c’est samedi, les bus seront plus rares et je n’ai pas la moindre certitude quant à mon programme…
PS : Il est désormais minuit passé et je viens officiellement de connaitre « le soleil de minuit ». Certes sous les nuages mais, 1,5ans après la nuit éternelle de l’hiver norvégien, j’expérience ici, aux Iles Féroé, le jour en pleine nuit !
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