Mardi 16/10 Lisbonne
Mardi 16/10 Lisbonne
Quelle longue journée ! Un réel plaisir, malgré une nuit perturbée par les va et vient dans la chambre. Le petit dej inclus est copieux. C’est parti !
Il fait gris : autant faire un musée. N’ouvrant qu’à 10h, je patiente devant le Lisboa City Center. Ce n’est que le début d’une grosse journée culture. Les démotivés n’ont qu’à passer au jour suivant.
Selon la légende populaire, Ulysse aurait un grand impact sur l’existence de la ville : de l’Odyssée dériverait O’lisseo, Lisbonne. De plus, le corbeau, emblème de la ville, fut un des compagnons du héros antique.
Mais revenons à l’Histoire. C’est au 8eme siècle avant JC que les phéniciens débarquent sur les rives du Tage pour y faire commerce avec les peuplades locales. Mouillage au calme, les arrivants la baptisent « anse douce », ou en phénicien, Alis Ubo. Puis se furent les romains qui dominèrent, à partir de -138, la région par Felicitas Juilia Olisipo, et construisirent les premiers remparts.
A partir de 714, ce sont les maures qui apporteront leur civilisation, les azuleiros et un nouveau nom : Al Uxbuna. Le quartier populaire de l’Alfama est créé. Enfin, les croisés reprendront la ville en 1147 par Alphonse Henry, et bâtiront la première cathédrale. En 1253, la ville devient capitale. En 1373, avec l’extension de la ville, est bâtie la Cerca Nova, remparts plus grands et plus étendus afin de lutter contre les attaques castillanes.
Puis se dessine l’âge d’or des navigateurs portugais. 1415, l’Afrique du nord avec la conquête de Ceuta ; 1427, découverte des Acores ; 1488, passage du cap des tourments. Alors que le conflit entre Joao II et les rois catholiques sur la souveraineté des territoires s’intensifie, le pape Alexandre II dessine une ligne imaginaire passant par le Cap Vert, Portugais à l’Ouest, Espagnols à l’Est. Les portugais négocient un décalage de quelques miles car ils sont les seuls au courant de l’existence d’une terre à l’Ouest : le Brésil !
1497, Vasco de Gama ouvre la route des Indes ; 1499, conquête officielle du Brésil. Vins, bois, épices, café, sucre, tabac font la prospérité du pays. Le roi se rapproche alors du port, au Terreiro de Paco, en quittant le castelo Sao Jorge sur les hauteurs, pour le palais Arribeira. Se construisent alors la Tour de Belém, le monasteiro de Jeronimos. En science, les portugais améliorent la navigation avec la rigueur des cartes, l’astrolabe, la caravelle…
En 1580, l’auteur symbole du Portugal, Luis Vaz de Camoes avec les Lusiades s’éteint. La même année le Portugal devient espagnol durant 60ans, jusqu’aux révoltes de 1640. Joao de Bragona fonde alors la 4eme et dernière dynastie.
Pour la petite histoire, les addictions au tabac et au sucre, inconnus jusqu’alors, auraient explosés. On doit à l’ambassadeur de France à Lisbonne, Nicot, connu pour son gout du tabac, la nicotine.
L’essor de la ville, comme la construction en 1748 du viaduc, sera brutalement stoppé en 1755 par le tremblement de terre le plus important jamais connu en Europe. Le 1er novembre, jour de la Toussaint, la ville est presque entièrement détruite. Un tsunami, 3jours d’incendies et prés de 250 répliques mettront la ville à terre. A l’heure de l’Inquisition, l’Europe se demande les raisons d’un tel désastre. Symbole de cette question, Voltaire, le pessimiste, se demande quel fut le péché de Lisbonne que n’auraient pas commis Paris ou Madrid. En réponse à son Traité sur la Providence, Rousseau prône les bienfaits du plan global de Dieu. Paradoxalement, on résumerait en citant Voltaire et Candide (Pangloss pour être précis) : « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes », caricature des Optimistes de l’époque.
Les épidémies et les pillages font réagir un homme, Sebastian Jose de Carvalinelo, le Marquis de Pombal, alors que le roi se terre, effrayé par la puissance des événements. Le Marquis lance reformes et reconstructions à partir de 1758, rétablit l’ordre par 34pendaisons en quelques mois et nomme Manuel de Maia, ingénieur en chef. La Baixas est rasée pour faire de la place à la Plaça do Commerciaux et à des rues parfaitement parallèles, aux trottoirs, égouts, canalisations ou encore des murs coupe-feu. Mais il est à noter que la 1ere ville moderne de l’Europe du 18eme siècle se sera faite grâce à une aide humanitaire immédiate venant de France, d’Italie, d’Angleterre ou du Brésil.
Symbole de cette Histoire, le Terreiro do Paço, dont le nom provient de la terre le recouvrant en aura été un témoin privilégié. Simple plage jusqu’au 15eme siècle, il deviendra un marché à poissons en 1511, avant d’accueillir le roi puis d’être transformé en la Plaça do Commerciaux âpres 1755. En 1908, c’est sur cette même place que seront assassinés le roi Charles et son dauphin, mettant fin à la monarchie pour laisser place le 5octobre 1910 à la République. C’est également là, le 25avril 1974 que prendra fin la dictature de Salazar âpres la révolution des Œillets.
Ouf… !!! Quelle Histoire ! Le musée est agréable et bien fait avec un audio guide des plus complets. On reprend son souffle et je pars pour le quartier de l’Alfama, colline aux rues sinueuses, tantôt touristiques, tantôt solitaire, tout en montées et descentes. Je m’arrête aux miradors de Santa Lucia et de Graca pour des vues fantastiques et panoramiques sur la ville vallonnée.
Quitte à rentrer dans l’histoire de Lisbonne, je me rends au Castelo Sao Jorge sur l’Alfama. Construit au 11eme siècle par les Maures, il sera la ville fortifiée puis le palais des rois jusqu’en 1755. Il est constitué des jardins romantiques, du château fort et d’une zone archéologique regroupant les vestiges des premières habitations entre le 7 eme et le 3 eme siècle avant JC, du quartier maure avec 2maisons organisées autour d’un patio à la romaine, et du Palacio, occupé entre le 15 eme et le 18 eme siècle. J’ai un sacré vertige sur les remparts.
Je pars ensuite pour le Monasterio de Sao Vicente puis le Panteao Nacional. Il fut une église du 16eme au 19eme siècle puis un arsenal jusqu’au 20eme siècle. Il accueille désormais les cénotaphes d’Alfonso de Albuquerque, 1462-1515, qui installa des comptoirs à Goa et Malacca, Luiz Vaz de Camoes, 1517/24-1586, dont j’ai déjà parlé, Vasco de Gama, 1468-1524, découvreur de la route des Indes en 1498. Pedro Alvarez Cabral, 1467-1520, découvreur du Brésil le 22 avril 1500 en route pour les Indes, ou encore Amalia Rodriguez, 1920-1999, symbole de l’âme du fado.
Il est 17h, je marche sans pause depuis 9h ce matin. Cette ville est passionnante, j’en ai oublié de manger. Petite pause douche et repos à l’auberge, avant de repartir pour un autre quartier : Le Bairro Alto, connu pour ses bars, ses restos et son fado. Apres avoir erré un moment dans les rues étroites et sombres du Bairro, je décide de m’offrir un repas typique dans une auberge à l’aspect désuet mais chaleureux. Sur les conseils d’un vieux serveur affable, je me laisse tenter pour une Caldo Verde, soupe de légumes avec une tranche de saucisse au fond, en entrée. Attention, les amuse-bouche déposés automatiquement sont payants, mais le serveur me l’explique et ne laissera que le pain. Le plat choisi me semble typique et original : la bacalhau a bràz. Il s’agit d’un mélange de morue émincée, de frites très fines, d’œuf et d’oignons : un vrai régal ! J’accompagne le plat d’un porto blanc sec, et conclu le repas avec une ginjinha, liqueur de cerise, servie dans un verre à vin, spécialité lisboète.
Mais le plus de ce petit resto coincé dans un coin d’une rue anonyme du Bairro Alto, c’est son concert de fado pendant le repas. 3chanteurs, 1homme et 2femmes, se relaient toutes les 30minutes pour un tour de chant de 15minutes. La passion se propage aisément dans cette petite salle intimiste à la lumière tamisée. Les fluctuations de l’homme la force de la jeune femme et la passion de la « Dame en noir » rendent ce moment totalement captivant, immergé dans le Portugal des pécheurs, des explorateurs et des légendes.
Un dernier tour de chant et il sera déjà temps de retourner à l’auberge, rêver de voyage en caravelle, de batailles en armures, de morue chantant le fado de son pays.
Promis, demain, je me limite à 4pages…
PS : avec l’addition, on sent qu’on paye aussi le concert. Mais ca reste raisonnable ; le tout étant de se limiter dans les boissons.
PS2 : Apres avoir écrit ces lignes durant tout le repas, j’intrigue. Ma voisine me demande ce que j’écris et s’intéresse au projet. Un peu plus tard, ce sera au tour de la Dame en noir, qui aura appris entre temps de je ne sais où que j’étais français, de venir me parler et de me laisser son nom : Deolinda de Jésus. Sa performance était envoutante de passion et de maitrise. Un plaisir.
PS3 : Le resto, à conseiller pour l’ambiance, le cadre et la nourriture : Caldo Verde, Paco de Cidade, Bairro Alto. Vins et spiritueux avec modération (2verres = 1plat !)
J’ai certainement oublié des détails, mais cette journée fut bien trop riche pour tous les conter.
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